Pauline GIRERD, nouvelle sous-directrice en charge du département international

Sous-directrice du département international de l’ENM depuis janvier 2023, Pauline Girerd explique en quoi cette prise de poste « est en pleine cohérence avec les convictions qui [l]’animent » et revient sur les enjeux actuels de l’activité internationale de l’École.
Photo de Pauline GIRERD

QUELLES ONT ÉTÉ VOS MOTIVATIONS POUR DEVENIR SOUS-DIRECTRICE DU DEPARTEMENT INTERNATIONAL ?

« Le prisme international a été très important dès le début de mes études de droit, que j’ai commencées en Angleterre en double diplôme grâce à un partenariat entre l’Université de Nanterre et celle d’Essex. Devenir magistrate correspondait à un souhait profond, et je suis entrée à l’ENM avec l’idée de conjuguer fonctions judiciaires et ouverture sur l’international.

À l’issue de ma formation initiale à l’ENM, en 2012, j’ai choisi un poste de juge au tribunal de Beauvais qui m’a permis d’exercer des fonctions civiles comme pénales. En 2015, jeune auditrice à la Cour de cassation, je me suis vu confier le service des relations internationales, composé d’une petite équipe en charge des projets de coopération ambitieux entre cours suprêmes, en lien avec nombre d’institutions françaises. C’est là que m’est venu le goût du travail de magistrat dans un contexte international, car j’ai vraiment pris conscience du rayonnement et des attentes que pouvait susciter la justice française à l’étranger. En 2019, je suis arrivée au Ministère de la justice, à la tête de la cellule diplomatique au sein de la délégation aux affaires européennes et internationales (DAEI).  J’y ai passé 4 ans intenses et passionnants, marqués par la présidence française de l’Union européenne, qui m’ont confirmée mon goût pour la diplomatie et ses impacts en matière de justice. En plus de mon intérêt pour ces sujets, manager une équipe investie, coordonner des projets en interministériel, ont été des expériences riches.  

Ce parcours m’a permis de mesurer combien l’international et la justice sont à la croisée d’enjeux fondamentaux. J’ai la conviction, qu’en travaillant au renforcement d’une justice de qualité à travers le monde, je m’engage pour l’État de droit et ses valeurs. Œuvrer ainsi pour le bien commun, avec une telle ouverture sur le monde, c’est porteur de sens et source d’une grande satisfaction.

Arriver au département international de l’ENM, qui est une institution de qualité, structurée et reconnue dans ce domaine, c’est donc une vraie chance. J’y vois la possibilité d’y poursuivre mon parcours en pleine cohérence avec les convictions qui m’animent, d’apporter l’expertise que j’ai développée et mon goût pour la mission de ce service.

Travailler au département international de l’ENM, c’est participer à ce que des États aient les moyens de mieux former leur magistrature avant leur entrée en fonction, via une école délivrant une scolarité de qualité, puis tout au long de la carrière, en leur proposant des formations adaptées aux enjeux rencontrés. Nous développons donc à l’ENM une offre de formation initiale et continue pour les magistrats étrangers, qui se tient en France ou dans l’État d’origine, sur des thématiques aussi diverses que la lutte contre la corruption, la criminalité organisée ou le droit de la propriété intellectuelle, choisies en fonction des demandes des bénéficiaires, selon des priorités réévaluées régulièrement. Ces actions sont portées par une équipe qui rassemble différents métiers, magistrats, chargés de projets, responsables administratifs et logistiques, soudée par la volonté de contribuer ensemble à l’État de droit et à la paix sociale. »

QUELS SONT LES PRINCIPALES MISSIONS ET LES ENJEUX ACTUELS DU DEPARTEMENT INTERNATIONAL DE L’ENM ?

Enjeu 1 - Contribuer à la construction de l’État de droit par la formation judiciaire, en faisant émerger une communauté judiciaire fondée sur des valeurs fondamentales communes 

« Le premier enjeu est de participer à la construction d’une justice qui réponde à des valeurs communes, européennes et internationales, qui sont celles de l’État de droit. À ce titre, nous sommes très impliqués dans le Réseau européen de formation judiciaire, dont l’ENM est un membre fondateur. Nous sommes engagés avec nos partenaires européens dans une démarche commune d’échanges sur les enjeux de la formation de magistrats, mais aussi d’autres professionnels de la justice. Ces formations se déroulent au sein de l’espace européen, mais aussi hors des frontières de l’Union.

Il s’agit ainsi à la fois d’échanger des bonnes pratiques au sein de l’Union européenne mais aussi de diffuser nos valeurs européennes à l’étranger dans le domaine de la coopération internationale en matière de justice aussi bien auprès de magistrats que de personnels judiciaires œuvrant au renforcement de l’Etat de droit.

Le projet « Victims, Information, Compensation in Trials, Investigation (VICTI) », financé par la Commission européenne, initié en 2022 et toujours en cours en est un bon exemple. Axé sur la garantie des droits dans les procédures pénales impliquant un grand nombre de victimes, il a déjà donné lieu à deux séminaires adoptant des formats innovants, tels que des simulations de procès, et rassemble des professionnels de la justice et des associations de toute l’Union européenne. Ce sujet intéresse bien sûr bien au-delà des frontières européennes et le contenu très riche pourra ainsi être diffusé auprès d’acteurs non européens qui en feront la demande. »

Enjeu 2 - Proposer des formations de qualité et sur mesure, permettant de promouvoir des standards internationaux en matière de formation judiciaire (coopération bilatérale)

« Le deuxième enjeu est celui de promouvoir des standards internationaux tels que formalisés dans la déclaration mondiale des principes universels de la formation judiciaire adoptée en 2017 par l’Organisation internationale de la formation judiciaire. Cette déclaration fait de la formation judiciaire une composante essentielle de l’Etat de droit.  C’est pour promouvoir ces principes que l’ENM s’engage à élaborer des programmes sur mesure, en lien étroit avec les ministères de la justice, de l’Europe et des affaires étrangères ou encore avec Expertise France. L’idée est de proposer un soutien aux écoles de formation judiciaire soit dans leur structure même, soit pour mettre en œuvre des formations ciblées sur des sujets d’intérêt.   
Le soutien à la justice pénale internationale, particulièrement important dans le contexte de la guerre en Ukraine, est un axe fort d’investissement pour le département international. Nous avons eu la fierté de mener en lien avec l’Académie de Nuremberg, l'Institut de Syracuse, et le Ministère de l’Europe et des affaires étrangères un projet de rédaction d’un guide de déontologie à destination des juridictions pénales internationales. Le dernier séminaire de ce projet « Éthica : Vers une déontologie commune des juges pénaux internationaux » a réuni en mai dernier à l’ENM les présidents de sept juridictions pénales internationales.  

L’ENM a aussi à cœur d’apporter un soutien concret à la justice ukrainienne, confrontée aux crimes de guerre, et une délégation ukrainienne a été accueillie en février pour une formation dédiée à ce sujet. »

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Enjeu 3 - Contribuer à la mise en œuvre de nouvelles priorités dans la formation des magistrats français

« Au département international de l’ENM, nous nous efforçons de développer des thématiques émergentes et importantes pour les magistrats français mais aussi l’ensemble des acteurs de la justice : développement de la procédure amiable, équipe autour du magistrat, transition numérique. Ce sont des savoir-faire pour lesquels des expériences étrangères, telles que celles développées au Québec, par exemple, peuvent être extrêmement intéressantes.

En proposant aux magistrats français de bénéficier d’échanges avec des magistrats étrangers, de participer à des séminaires communs, nous souhaitons contribuer à structurer la formation dans ces domaines émergents. C’est une forme d’irrigation, dans l’intérêt de tous, que nous cherchons à favoriser dans nos activités internationales. »