Dans quelques mois, ils instruiront leurs premiers dossiers dans leurs juridictions respectives et solliciteront l’expertise du service national de police scientifique en rédigeant des demandes de mission dans le cadre d’ordonnances de commission d’expert.

Connaître les outils d’enquête et comprendre la démarche scientifique

« Cette journée de visite au laboratoire toulousain est complémentaire d’une séquence pédagogique dédiée à la stratégie d’enquête du juge d’instruction. Elle doit leur permettre de connaître les outils à leur disposition, de savoir à quoi ils servent, dans quel dossier ils peuvent y avoir recours, mais aussi de comprendre la démarche scientifique des experts, les conséquences qu’ils peuvent en tirer et les limites des conclusions de l’expertise. Et elle s’inscrit bien évidemment dans une logique de création de liens entre futurs partenaires », explique Julie Rouillard, coordonnatrice de formation à l’ENM.

Si les analyses liées à la biologie et aux recherches ADN représentent 80% de l’activité des laboratoires de police scientifique, « la journée était dédiée à d’autres types d’expertises dans des domaines plus techniques, que les élèves magistrats ont moins eu l’occasion d’aborder durant leur formation et auxquels ils seront tout de même régulièrement confrontés », précise Mathilde Lacroix, coordonnatrice de formation à l’ENM : les stupéfiants, les incendies et explosions, la balistique et les résidus de tir. « Ils ont ainsi pu se rendre compte à quel point les experts étaient demandeurs d’échanges avec les magistrats en amont de l’envoi des missions, dans des domaines où il faut vraiment les adapter à chaque dossier, avec parfois des questions très précises sur une version donnée par l’un des protagonistes », ajoute-t-elle.

S’interroger sur la faisabilité et la pertinence des analyses demandées

Au fil des échanges, les futurs magistrats ont régulièrement questionné les experts sur les délais nécessaires pour effectuer certaines analyses. Ils leur ont également demandé des exemples d’analyses non pertinentes ou impossibles à réaliser.

Valérie R., cheffe de la division de l'accueil et du conseil aux requérants (DACAR), apporte quelques précisions : « Par exemple, la section incendies et explosion n’est pas en capacité de comparer l’essence retrouvée sur un lieu de destruction avec le bidon d’essence retrouvé sur un mis en cause. Elle peut dire qu’il s’agit d’essence dans les deux cas mais pas si c’est la même. »

Concernant les délais, elle souligne qu’il y a des temps analytiques incompressibles. « Toujours à la section incendies, rechercher des traces d’hydrocarbure sur les mains d’un suspect nécessite un délai de 8 heures. Donc si le magistrat en a besoin avant que la garde à vue ne se termine, il nous faut les prélèvements en début et non en fin de garde à vue. »

Laboratoire du service national de la police scientifique

Communiquer les bons éléments aux experts

Angélique, élève magistrate, a beaucoup apprécié cette journée. « Nous avions bénéficié d’ateliers animés par la police technique et scientifique en début de formation, mais cette fois nous avons pu davantage nous projeter dans notre future pratique et de manière plus spécialisée sur les fonctions de juge d’instruction. Nous avons évoqué les questions que nous pourrons poser aux experts et les réponses qu’ils seront – ou non – en mesure de nous donner, leurs contraintes, les éléments du dossier qui peuvent leur être utiles pour confronter les éléments scientifiques aux déclarations, par exemple en matière de balistique et de résidus de tirs pour les distances de tirs, les trajectoires des projectiles… »

Arthur, futur juge d’instruction, retient notamment de ces échanges que « les outils d’enquête peuvent vraiment produire des résultats incroyables ». Et d’ajouter : « Les experts nous ont expliqué qu’il y en a certains auxquels on a tendance à recourir quand on n’a plus d’autre option. Je trouve utile de savoir qu’ils existent dès le début de l’instruction. De la même façon, comprendre la technologie derrière nos demandes et le raisonnement scientifique des experts avec lesquels nous travaillerons est essentiel. »

Les futurs juges d’instruction reçus dans un laboratoire de police scientifique